Parmi les quatre grands noms de la calligraphie au Vietnam, Cung Khac Luoc est le seul titulaire d’un doctorat de Han (caractères chinois) et Nôm (ancienne écriture démotique vietnamienne). Il est également connu pour son ouverture d'esprit et sa façon libre d’aborder la calligraphie.
Chaque année, lorsque le Têt (Nouvel An lunaire) approche, l’on peut voir autour du Temple de la Littérature, à Hanoi, un vieil homme barbichu, à la longue robe noire des lettrés d’antan, entouré de flacons d'encre de Chine et de papier rouge. C’est Cung Khac Luoc.

Le calligraphe Cung Khac Luoc.

Calligraphies pour le Têt.

Concentration extrême. |
Toutes les Vietnamiens passionnés de calligraphie connaissent le nom de ces quatre calligraphes : Lê Xuân Hoà (décédé fin 2007), Nguyên Van Bach, Lai Cao Nguyên et Cung Khac Luoc. Celui-ci se distingue des autres par un style de vie tout à fait particulier.
Il est différent des autres non seulement par son « aspect majestueux » mais aussi par son caractère un brin rebelle. C'est la raison pour laquelle ses amis l’ont surnommé l’« aventurier » ou le « briseur des règles de prosodie ». Parfois, les gens le voient dans une robe de brocart rouge assis solennellement. Parfois, il porte une vieille tunique noire, un bonnet de laine brun et des sandales de cuir, et trace sur le trottoir des idéogrammes, apparemment indifférent à ce qui se passe autour de lui.
Né dans une famille de tradition confucianiste, Luoc a été plongé très tôt dans « le chaudron » du Han-Nôm. Avec l’âge, sa passion n’a cessé de croître. De nombreuses années enseignant en zone de montagne, il s’est passionné pour les scripts anciens Han de certains groupes ethniques (par exemple les Tay).
Cung Khac Luoc n'est pas seulement un expert en Han-Nôm, il est aussi intelligent et actif. Il aime se frotter aux autres cultures. Il captive les gens avec ses histoires savoureuses. Peu de gens savent qu'il a un doctorat en Han-Nôm et a été conférencier dans de nombreuses grandes universités et instituts de recherche.
Aujourd'hui, la calligraphie n'est plus aussi populaire qu’auparavant. Le nombre d’amoureux des belles lettres chinoises est limité, et ceux qui maîtrisent le Nôm sont encore plus rares. Luoc a étudié le Han-Nôm pendant des décennies et la calligraphie est devenue sa raison de vivre. Grâce à elle, il peut exprimer ses pensées et états d’âme.

Cung Khac Luoc avec des sentences parallèles.

Explication du sens d’un idéogramme à une jeune fille.

Beaucoup de gens viennent acheter des calligraphies de Cung Khac Luoc.

Le vieux calligraphe dans une buvette de thé à Hanoi.

Les touristes étrangers sont souvent émerveillés par l’art de la calligraphie. |
Luoc aime prendre de la liberté par rapport aux règles de l’orthodoxie calligraphique. Certaines de ses œuvres ont une composition libre et ouverte, mais elles révèlent la maîtrise du calligraphe. Parfois, il n'utilise pas un pinceau de calligraphe mais un simple pinceau de peintre voire un… balai. Certains « esprits chagrin » disent qu’il « endommage » les mots. Luoc n’en a cure: «Les mots sont des sages et des saints, mais la façon d'écrire doit être celle du peuple. Donc, je veux tracer des calligraphies qui sont aussi naturelles que la personnalité simple des Vietnamiens. Je ne veux pas produire un type d'écriture stéréotypé comme dans les livres ».
Chaque année, à l'occasion du Têt, beaucoup de gens viennent l’admirer à Van Miêu (Temple de la Littérature). Ils désirent ardemment ses calligraphies parce qu'ils savent que Luoc est un grand calligraphe. Ils espèrent que ses œuvres, fixées au mur, leur apporteront de la chance au cours de l’année qui débute. D'autres viennent simplement le regarder, ce qui est déjà un spectacle.
Dans l’atmosphère animée du printemps, Cung Khac Luoc est penché sur ses feuilles rouges, indifférent au vent frais qui balaie la rue. Parfois, il relève la tête, sourit à son public et explique la signification d'un idéogramme. Il raconte parfois des contes anciens ou des histoire du présent, ce qui rend l'atmosphère encore plus joyeuse. /.
Texte: Huu Tuân - Photos: An Thành Dat
Texte: Huu Tuân - Photos: An Thành Dat