Reportage thématique

Les rizières en terrasses, merveilles de la région Nord-Ouest

Les rizières en terrasses de Mù Cang Chai (province de Yên Bai), Hoàng Su Phi (Hà Giang) et Sa Pa (Lào Cai) ont été reconnues par l'État comme « sites nationaux » et appréciées par les médias internationaux comme « le summum de la beauté née de la nature et du travail des hommes ». Ces trois zones de rizières en terrasses constituent un attrait touristique phare de la région Nord-Ouest.
Au temps des pionniers défricheurs
 
Selon une légende locale, il y a quatre siècles, des personnes des ethnies H’mông, Dzao et La Chi... sont venues défricher cette terre. Les quatre grandes vallées de la région Nord-Ouest, à savoir Muong Thanh (province de Diên Biên), Muong Lo (Yên Bai), Muong Than (Lai Châu) et Muong Tâc (Son La), étaient déjà habitées par les groupes ethniques Thai et La Ha. Aussi ces nouveaux arrivants ont-ils dû choisir les montagnes de Khâu Pha (Mù Cang Chai- Yên Bai), Hoàng Liên Son (Sa Pa- Lao Cai) et Tây Côn Linh (Hoàng Su Phi- Hà Giang), d’une altitude de 1000-1600 m, pour s’implanter.

Pour assurer leur subsistance, ils ont opté pour la culture du maïs et du riz sur de fortes pentes. Les champs en terrasses ont d’abord été construits au pied des montagnes à proximité des sources d'eau pour l'irrigation. Plus tard, quand la population a augmenté, ils sont montés de plus en plus haut, créant ainsi ces paysages spectaculaires.

La création de ces champs en terrasses fut vraiment un processus complexe, exigeant réflexion et énergie. Cu A Giàng, d’ethnie H’mông, commune de La Pan Tân (Mù Cang Chai), nous a confié : «Selon nos ancêtres, les montagnes sélectionnées pour la construction de champs en terrasses doivent posséder une pente douce avec des sources et peu de pierres. Les travaux ont lieu généralement au printemps de janvier à mars. D'avril à mai, l'eau est recueillie pour la riziculture».

Ly Van Thach, de la commune Thung Nguyên (Hoàng Su Phi), a révélé que les tâches les plus difficiles sont de niveler le terrain et de faire des diguettes, vraiment essentiel pour le stockage de l'eau et le partage égal de l'eau entre l'ensemble des rizières. Il a expliqué: «Pour faire des diguettes, nous les Dzao utilisons souvent la houe pour ratisser le sol, les pieds pour piétiner et le dos de la houe pour compacter. Le niveau d’un champ à l’autre est de 0.5m- 2m. Lorsque l’eau est conduite dans le champ, les diguettes absorbent l’eau, leur sol se lie et se durcit.»

La création des champs en terrasses a été réalisée de génération en génération, créant des fresques géantes sur les pentes des montagnes.



Les champs en terrasses de la commune de Nam Ty sont les plus beaux de Hoàng Su Phi (Hà Giang).
Photo: Nguyên Thang



La vallée de Ta Van, district de Sa Pa, fascine avec ses paysages composés de beaux champs en terrasses
entourant des hameaux. Photo: Nguyên Thang


Rizières en terrasses dans la commune de Chê Cu Nha, district de Mù Cang Chai, pendant la récolte.
Photo: Nguyên Thang


Rizières en terrasses dans la commune de Ban Luôc (Hoàng Su Phi). Photo: Thông Thiên



Rizières en terrasses dans la commune de Chê Cu Nha, district de Mù Cang Chai. Photo: Nguyên Thang
 
La superficie des rizières en terrasses dans le Nord-Ouest est estimée à quelque 10.000 ha, dont près de 2.200 ha dans le seul district de Mù Cang Chai, près de 765 ha à Hoàng Su Phi et près de 1000 ha à Sa Pa, reconnus par l'État comme «sites nationaux».
L’histoire du développement des champs en terrasses est étroitement associée aux groupes ethniques H’mông, Dzao, La Chi et Nùng de Mù Cang Chai, Hoàng Su Phi et Sa Pa. Ces ethnies minoritaires pensent que toutes les choses ont une âme, même les champs en terrasses, les instruments aratoires, le tonnerre, l’eau...

Ce polythéisme se manifeste clairement dans la fête du Nouvel An de l'ethnie H’mông tenue dans le douzième mois lunaire, à travers le culte des outils. Giàng A Chu, de la commune de Cao Pha (Mù Cang Chai), a expliqué cette coutume: «Comme les houes et les charrues peinent toute l'année, elles doivent prendre un repos pendant la fête du Têt (Nouvel An lunaire). Nous collons des papiers dessus et les mettons sur les autels, avec des bâtonnets d’encens, pour exprimer notre gratitude comme nous le faisons pour nos ancêtres».

Il existe encore parmi la communauté des Dzao rouge dans le district de Hoàng Su Phi un rituel assez étrange pour adorer l'esprit du paddy. Les Dzao Rouge pensent que les rizières en terrasses ont aussi une âme. Le sorcier Triêu Choi Hin, qui a présidé le rituel du paddy de cette année dans la commune de Hô Thâu, a révélé : «Lors de la collecte du riz sur les champs en terrasses, de nombreux grains sont abandonnés sur les champs ou lors du transport vers la maison. Notre peuple doit pratiquer ce rituel pour conjurer les âmes de ces grains, de sorte que les prochaines récoltes ne manqueront pas».

Les ethnies minoritaires Dzao, H’mông, La Chi et Nùng vivant dans la région montagneuse de Tây Côn Linh pratiquent encore le culte dédié au tonnerre, dans le hameau de Suôi Thâu, commune de Ban Luôc. Le chef du hameau, Dang Hông Canh, a raconté qu'il y a environ 300 ans, les Dzao sont venus pour construire des champs en terrasse ici, mais leurs cultures ont échoué en raison de l'absence de pluies. Mais lorsqu’ils ont construit un temple adorant le dieu du tonnerre, la météo est redevenue favorable et les récoltes abondants. De nos jours encore, avant chaque nouvelle culture, les gens de Hoàng Su Phi se rassemblent dans ce temple.

Des champs en terrasses prospères

Giàng A Tông, président du Comité populaire de Mù Cang Chai du district, qui a grandi sur la chaîne de montagne de Khau Pha, est fier de son pays natal: «Les H’mông, de génération en génération, n’ont cessé de construire de nouveaux champs en terrasses. Depuis 2007, année où les champs en terrasses de Mù Cang Chai ont été reconnus par le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme comme site national, ils sont devenus une propriété commune, qui non seulement donnent du riz, mais aussi constituent l'identité du peuple H’mông, et qui doivent donc être préservés».

Le chef a également révélé que ces dernières années, les ethnies H’mông et Thai à Mù Cang Chai ont appliqué des progrès scientifiques dans la riziculture, et le rendement moyen a atteint 5,3 tonnes / ha. Rien qu’en 2014, la production totale de riz du district de Mù Cang Chai a atteint près de 27.000 tonnes, contribuant à la sécurité alimentaire locale.

 

Femmes H’mông à Mù Cang Chai coupant des mauvaises herbes sur les diguettes. Photo: Hoàng Hà



Les H’mông, Dzao, Tày, Nùng, La Chi du district de Hoàng Su Phi irrigue les rizières avec les troncs de bambou.
Photo: Công Dat



Les H’mông du district de Mù Cang Chai repiquant le riz en mai et juin. Photo: Tât Son



Selon une femme de la commune Chê Cu Nha (Mù Cang Chai), une fois récolté, le riz sera séché à même
le champ environ 3 jours, puis battu et emballé et enfin transporté à la maison. Photo: Tât Son



Après la récolte du riz, les gens de l’ethnie Nùng, commune de Pô Lô (Hoàng Su Phi),
battent le riz sur le terrain. Photo: Thông Thiên


Les gens de l’ethnie Nùng, commune de Pô Lô (Hoàng Su Phi), conservent toujours la coutume d’échange de
main-d’œuvre pendant la récolte du riz. Photo: Thông Thiên


Les hottes de riz jaune, signe de la prospérité des ethnies minoritaires du Nord-Ouest. Photo: Tât Son
 
Les champs en terrasses des communes de Chê Cu Nha, La Pan Tân et Dê Xu Phinh sont devenus des lieux touristiques. Chaque année, le festival des rizières en terrasses est organisé au cours de la récolte pour promouvoir le tourisme. Giàng A Tông a déclaré avec fierté: «Ce festival est en fait un rite en l'honneur des habitants locaux qui ont versé leur sueur, leurs larmes et même leur sang pour créer ces champs en terrasses, apportant bonheur et prospérité à cette région montagneuse.»

A Hoàng Su Phi, les champs en terrasses ont vu le jour il y a 3 à 4 siècles. Ils sont situés dans les communes de Ban Luôc, San Sa Hô, Ban Phùng, Hô Thâu, Nâm Ty et Thông Nguyên. Le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme a officiellement reconnu 760 ha des plus de 3.000 ha de champs en terrasses de Hoàng Su Phi comme «sites nationaux».


 
Les ethnies H’mông et Thai à Mù Cang Chai ont appliqué des progrès scientifiques dans la riziculture, et le rendement moyen a atteint 5,3 tonnes / ha. Rien qu’en 2014, la production totale de riz du district de Mù Cang Chai a atteint près de 27.000 tonnes, contribuant à la sécurité alimentaire locale.
Hoàng Hai Ly, secrétaire du Comité du Parti du district de Hoàng Su Phi, a déclaré que chaque année, les champs en terrasses locales donnent 25.000 – 27.000 tonnes de riz, contribuant à assurer la sécurité alimentaire des plus de 60.000 habitants du district.

Au cours de la Semaine culturelle du Tourisme sur les champs en terrasse tenue récemment à septembre, le projet HELVETAS de la Suède a engagé un investissement de cinq milliards de dongs pour aider les habitants de Hoàng Su Phi à développer le tourisme homestay (séjour chez l’habitant). Cette forme de  tourisme permettra aux visiteurs étrangers de découvrir la beauté de la chaîne de montagne Tây Côn Linh, mais aussi la culture et les croyances des habitants locaux.

Pendant ce temps à Sa Pa (Lao Cai), le développement et l'expansion des champs en terrasses dans la vallée de Muong Hoa, communes de Ta Van, Lao Chai et Hâu Thào, ont longtemps été une entreprise locale pour assurer la sécurité alimentaire et mettre un terme au nomadisme. Près de 2.500 ha de champs en terrasses existent dans le district de Sa Pa, avec un rendement moyen de près de 4,6 tonnes / ha et une production annuelle de 120.000 tonnes.

Le magazine américain "Voyage et Loisirs" a classé les rizières en terrasse de Sa Pa parmi les sept plus belles du monde. En 2014, Sa Pa a accueilli 1,4 million de visiteurs, générant un chiffre d'affaires total de plus de 28.000 milliards de dongs.



Les Dzao Rouge de la commune Hô Thâu (Hoang Su Phi) pratiquent le culte dédié au Génie du riz. Photo: Thông Thiên


Chaman appelant l'âme du riz. Photo: Thông Thiên


La chaman Triêu Choi Hin, commune de Hô Thâu (Hoàng Su Phi), appelant l’âme du riz. Photo: Thông Thiên


Chez les Dzao Rouge de Hoàng Su Phi, on considère que l’âme d’un grain de riz va appeler 1.000 grains
pour devenir un gros panier de paddy, qui lui-même va devenir un grenier à riz
pour que les gens puissent manger toute l'année. Photo: Thông Thiên


Pendant la fête du Têt lunaire, les H’mông ont comme coutume de coller du papier de couleur sur les outils agricoles
et leur rendre un culte, en signe de gratitude pour les avoir aidés à cultiver. Photo: Thông Thiên
 
Les champs en terrasses de la région Nord-Ouest constituent non seulement un paysage fantastique mais est aussi la preuve de la créativité et de l’énergie des montagnards pour vivre sur ces hautes terres./.
 
Texte: Thông Thiên - Photos: Nguyên Thang,
Hoàng Hà, Tât Son, Thông Thiên, Công Dat

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