Reportage thématique

L’art de la poterie des Cham

Situé dans le bourg de Phuoc Dân, district de Ninh Phuoc, province de Ninh Thuân (Centre), Bàu Trúc est l’un des deux villages de poterie du Vietnam figurant dans la liste des plus anciens d’Asie du Sud-Est. Apparu au début du XIXe siècle, vers 1832, sous le règne du roi Minh Mang (1791-1841), il constitue le berceau de l’artisanat de la poterie. Les techniques perdurent de génération en génération grâce aux mains habiles des femmes Cham.
Originalité de la poterie de Bau Truc

En 2017, l’art de la céramique Cham de Bàu Trúc a été introduit dans la liste des 12 patrimoines culturels immatériels nationaux. L’ethnie Cham est l’une des rares à perpétuer le matriarcat. En effet, presque tous les produits du village sont essentiellement confectionnés par des femmes, donnant ainsi au village une beauté particulière la distinguant des autres en la matière. Les produits de Bàu Trúc étaient autrefois très variés et omniprésents. Allant des bas-reliefs, bols aux marmites en passant par vases et assiettes, ils étaient largement utilisés dans les activités quotidiennes.

Le village de poterie de Bau Truc,  l’un des plus anciens villages d’Asie du Sud-Est,compte environ 500 familles dont plus de 90% pratiquent encore la poterie
La province de Ninh Thuan subit la plus dure sécheresse au Vietnam. Les activités économiques et touristiques sont   impactées aussi bien par l’épidémie du Covid-19 que par la sécheresse. Cependant, au village de Bau Truc, la production artisanale continue de s’animer.

Selon la légende, le métier de potier fut transmis aux femmes par   Poklong  Chanh. A Ninh Thuân, toutes les femmes  Cham maîtrisent la céramique. Et pour faire part de leur reconnaissance envers cet ancêtre, les villageois de Bau Truc créèrent un temple en son honneur où ils le vénèrent à l'occasion de la fête de Katé, la plus importante des Cham. 



L'artisane Truong Thi Gach, âgée de 80 ans, au travail. Photo: Nguyên Luân


Les artisans de Bau Truc transforment de leurs mains habiles de l’argile en des œuvres d’art originaux. Photo: Nguyên Luân


L’artisane Dang Thi Trang modèle un vase. Photo : Lê Minh


L’artisan donne les dernières touches à une poterie. Photo: Lê Minh


Un potier de Bau Truc donne les dernières touches à son œuvre. Photo : Lê Minh




Les poteries de Bau Truc sont cuites en plein air, sans four  avec de la paille et  du bois. Photo: Nguyên Luân


La cuisson dure de 5 à 8 heures. Photo: Lê Minh


Les poteries obtenues après la cuisson. Photo : Lê Minh


Les poteries une fois cuites ont la couleur naturelle de la terre. Photo: Nguyên Luân

Truong Thi Gach, 80 ans, a appris le métier   à l’âge de 10 ans. Elle a confié: « C’est ma grand-mère qui  a transmit le métier à ma mère qui me la ensuite transmit, à mon tour je le transférais à mes enfants. Le métier de potier n’est pratiqué que  par les femmes, les hommes sont chargés de ramasser du bois pour la cuisson des produits ».

Les céramiques de Bau Truc sont totalement fabriquées à la main, ce qui fait la différence avec les céramiques d’autres villages. « L'étape la plus importante est de choisir l’argile. La meilleure  vient de la rivière du village. Elle est séchée au soleil puis   baignée dans de l’eau pour  la rendre plus souple et  éliminer les impuretés. Après, l’artisan ajoute du sable et de l’eau en respectant une certaine proportion, puis l’argile est pétrie avec les pieds afin que le mélange soit vraiment souple et élastique », explique Truong Thi Gach. Les potiers n’utilisent pas de tournette de potier mais leurs pieds pour travailler l’argile.

La cuisson, de 5 à 8 heures, est originale, n’utilise que du bois et de la paille. Jadis, avant le jour de la cuisson, l’artisan  choisissait un jour de bon augure  et achetait des offrandes pour faire le culte au Dieu et au père du métier, afin que les poteries soient suffisamment cuites, pas déformées ou endommagés.

Les produits sont fortement imprégnés de la culture locale au service du quotidien des habitants : des jarres à cuire les banh tet ou à contenir de l’eau, des marmites ou casseroles, bouilloires…


La poterie fait partie de la culture des Cham

Aujourd’hui, le village de poterie de Bau Truc constitue non seulement un village de métier traditionnel, mais aussi une destination culturelle et touristique attrayante de Ninh Thuân.  La coopérative du village, fondée en 2008, joue le rôle de locomotive pour améliorer la qualité et diversifier des produits, et offre des scènes de démonstration de fabrication de poterie Cham aux touristes. Des milliers de poteries de Bau Truc sont présentées dans les locaux de la coopérative aux touristes qui peuvent en acheter.
« On trouve dans les temples du Nord-Est  de la Thaïlande des poteries de l'ethnie Cham. Leur présence dans les hauts lieux de culte montre l'attractivité des céramiques Cham non seulement en Thaïlande mais encore dans toute l'Asie du Sud-Est ».
Docteur Atthasit Sukkham

Pour les chercheurs, les Cham et leurs patrimoines culturels dont la poterie restent originaux et mystérieux. Le docteur Shimoka Sakaya, représentant d’un groupe de chercheurs japonais, a estimé: "Les anciens villages de poterie du monde ont disparu, cependant la poterie  Cham subsiste, préserve le cachet et la beauté sauvage de la poterie antique vieille de centaines d’années. C’est la valeur originale et durable des poteries Cham, dignes d’être reconnues par l’Unesco ».

Le professeur américain Leedom Lefferts, âgé de 80 ans, qui a passé une vingtaine d’années à faire des recherches sur la poterie Cham, a estimé :« chaque produit est une œuvre,  aucun ne ressemble à un autre, ce qui fait la différence entre les poteries Cham et d’autres écoles de poterie».



Tours Pô Klong Garai, dans la province de Ninh Thuân, reconnues vestige national. Photo: Nguyên Luân






Des poteries de Bau Truc au service de la vie quotidienne des Cham. Photo: Nguyên Luân


Les poteries de Bau Truc se distinguent par leur teintes  jaune, rouge, rouge-rose, noire-grise. Photo: Nguyên Luân





 
Les pots et statues représentent la vie religieuse diversifiée des Cham. Photo: Nguyên Luân
 

Des jeunes filles Cham portent sur la tête un  vase contenant de l’eau en pratiquant une danse lors d’un culte dédié à un génie. Photo : archives

Un  touriste apprend à modeler des poteries au village de Bau Truc. Photo : archives
 

Le professeur américain Leedom Lefferts, âgé de 80 ans, qui a passé une vingtaine d’années à faire des recherches sur la poterie Cham, a estimé :« chaque produit est une œuvre,  aucun ne ressemble à un autre, ce qui fait la différence entre les poteries Cham et d’autres écoles de poterie».

En mars 2019, le Premier ministre a autorisé le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme à concevoir un dossier sur l' « Art de la poterie des Cham » afin de le soumettre à l’Unesco en vue d'une reconnaissance en tant que patrimoine culturel immatériel de l'humanité  à sauvegarder d’urgence.
Le docteur archéologue Doan Ngoc Khoi trouve une continuité culturelle de la culture de Sa Huynh à celle des Cham. Il y a quelques années, lors d’une visite à Bau Truc, l’architecte Tran Hung, un résident américain d’origine vietnamienne,  a eu l’idée de décorer un complexe de loisirs aux Etats-Unis de poteries de Bau Truc.

Le docteur archéologue Doan Ngoc Khoi trouve une continuité culturelle de la culture de Sa Huynh à celle des Cham. Il y a quelques années, lors d’une visite à Bau Truc, l’architecte Tran Hung, un résident américain d’origine vietnamienne,  a eu l’idée de décorer un complexe de loisirs aux Etats-Unis de poteries de Bau Truc.
 
Texte: Son Nghia – Photos: Lê Minh, Nguyên Luân  et archives


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