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Vietnam-France: Un partenariat stratégique en plein développement

Dans le contexte de politique de réorientation accélérée vers l’Asie sous l’administration de Macron, le Vietnam a la chance de redevenir un partenaire naturel de la France. Les relations bilatérales ont connu des développements essentiels ces dernières années.

“Les relations d’Etat à Etat et aussi de peuple à peuple sont particulièrement riches. Il y a beaucoup de visites de haut niveau. Le président François Hollande était au Vietnam en 2017, le secrétaire général du Parti communiste du Vietnam Nguyen Phu Trong était à Paris pour une visite de trois jours, puis le président Emmanuel Macron se rendra au Vietnam l’année prochaine”, s'est félicité Pierre Journoud, historien et professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paul-Valéry Montpellier. “Nous avons un rythme très soutenu, il n’y a pas d’autres pays en Asie du Sud-Est qui bénéficient de ce rythme de visites”.

En 2018, la France et le Vietnam célèbrent le 45e anniversaire de leurs relations officielles et le 5e de leur partenariat stratégique. Selon des spécialistes français, il s'agit d'un jalon historique. Le  Vietnam cherche toujours à consolider sa politique extérieure de diversification et de multilatéralisation des relations internationales, et la France, sous la présidence de Macron, se tourne vers l’Asie-Pacifique, région qui présente une attractivité économique particulière mais aussi des risques nouveaux.

“La France est redevenue un partenaire de premier choix du Vietnam en Europe, et pour la France, le rôle du Vietnam est très important vu ses contributions à la paix, à la stabilité et au développement dans la région Asie du Sud-Est et dans le monde”, a souligné Nguyen Thiêp, ambassadeur du Vietnam à Paris.

Depuis le début du quinquennat et surtout en 2018, Emmanuel Macron a eu plusieurs activités illustrant la politique de réorientation vers l'Asie. Il a reçu le Premier ministre indien en juin 2017, et s'est rendu en Chine en janvier et en Inde en mars 2018. Le renforcement des relations avec le Vietnam, dont témoigne la dernière visite officielle en France du secrétaire général du Parti communiste du Vietnam (PCV) Nguyen Phu Trong, est sans doute compatible avec la logique du pivot français vers l’Asie-Pacifique, déjà évoquée en 2013 par Laurent Fabius, qu'Emmanuel Macron ne fait que reprendre, en bénéficiant au passage du retrait des Etats-Unis de la zone. La France veut s'affirmer comme une puissance étroitement associée aux enjeux en Indo-Pacifique, et le Vietnam est un partenaire tout naturel.

Les échanges commerciaux entre les deux pays ont connu une progression rapide ces dernières années. En 2017, ils étaient estimés à 6,7 milliards d'euros, soit une croissance de 15% en un an, contre 9,2% en 2016. Dans cette balance commerciale, le Vietnam est un net vendeur avec un volume d’exportation de 5,1 milliards d'euros l’année dernière, pour près de la moitié de produits textiles et chaussures, téléphones portables. Pour la France, les biens aéronautiques, produits pharmaceutiques sont majoritaires.

Le déficit commercial profond et la place encore modérée de la France sur le marché vietnamien sont-ils un obstacle pour le développement des relations bilatérales ? Nombreux sont les spécialistes qui disent non.

“Je n'ai pas l'impression que le partenariat stratégique signé en 2013 soit resté une coquille vide car quoiqu'il arrive, il apparaît que nos relations sont de bon niveau”, a déclaré le général Daniel Schaeffer, membre du groupe de réflexion Asie21. “La visite du secrétaire général Nguyen Phu Trong avec des deux gros contrats signés avec Bouygues et GDF montre aussi que ces relations ne sont pas si vides que cela. Le fait que notre balance commerciale soit négative en défaveur de la France montre aussi que le Vietnam n'achète pas suffisamment à la France ou ne signe pas suffisamment de contrats avec la France”.

Cette opinion est partagée par Barthélémy Courmont, maître de conférences à l'université catholique de Lille et directeur de recherche à l’Institut français de relations internationales et stratégiques (IRIS). “L'objectif n'est pas tant de se focaliser sur la relation commerciale, qui a vocation à se développer, mais à étudier les autres possibilités de partenariat. Dimensions politique et diplomatique, questions stratégiques, échanges culturels et universitaires sont ainsi autant de pistes qui doivent être privilégiées”, a expliqué Courmont. “Le Vietnam est un pays jeune et au dynamisme exceptionnel. La France, qui s'affiche comme la Start-up nation, n'y est pas indifférente”.

Selon le général Schaeffer, la coopération bilatérale en matière de défense a connu des développements très palpables. Depuis l'inauguration du Bureau de l’attaché militaire français à Hanoï en 1991, le Vietnam a envoyé de jeunes officiers dans des  établissements militaires français comme l’école de guerre, l’école de Saint-Cyr ou Polytechnique. La France a aussi aidé le Vietnam en médecine militaire, cartographie militaire, francophonie.

Sur le plan stratégique, la France ne peut pas être en dehors des évolutions qui concernent la Mer de Chine méridionale (Mer Orientale) et plus largement, l’Indo-Pacifique. Ce vaste espace représente des enjeux qui auraient des répercussions mondiales. Dans la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale publiée fin 2017, Paris a montré son inquiétude devant l’évolution préoccupante des dynamiques stratégiques en Asie.

Selon Barthélémy Courmont, la France veut s'affirmer comme une puissance étroitement associée aux enjeux indo-pacifiques, et le Vietnam est un partenaire tout naturel. “Il y a plusieurs dynamiques côté français qui expliquent l'intérêt porté au Vietnam. D'une part, les enjeux historiques, qui ressurgissent en parallèle aux différends sur les îles Paracels et Spratley, replacent la France dans cette région, en raison des éléments contenus dans les accords de Genève, qui appuient le soutien de la France au Vietnam sur ces différends. D'autre part, la politique indo-pacifique défendue par Emmanuel Macron, qui a déjà effectué un déplacement en Chine et un autre en Inde, recevra le Premier ministre japonais entre autres, s'appuie sur le renforcement des partenariats avec différents pays de la région”, a-t-il dit.

Les récentes déclarations et activités navales de la France ont montré qu’elle s’intéresse vraiment à la défense du principe de libre navigation en Mer de Chine méridionale (Mer Orientale). “Après la deuxième opération en cours avec le "Vendémiaire", la France vient tout de suite après les Etats-Unis”, a félicité le général Schaeffer. En avril 2017, le bâtiment Mistral et la frégate légère Courbet ont fait relâche au Vietnam dans le cadre de la mission Jeanne d’Arc, menant des exercices opérationnels conjoints avec la Marine vietnamienne.

La présence militaire française, à travers les opérations comme Jeanne d’Arc, le passage des navires dans des ports en Asie du Sud-Est, à travers les partenariats avec des pays de la région, a été renforcée ces derniers temps. Selon Courmont, il faut regarder cette politique avec une optique réaliste, car “il ne s'agit pas de se positionner pour un des acteurs, et de faire pression sur un autre, mais de marquer, par cette présence, la détermination de la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, puissance nucléaire et puissance militaire pouvant projeter des forces sur des théâtres extérieurs, à défendre la liberté de circulation”.

Sur le fond des liens historiques et encouragées par de nouveaux dynamismes de la région, les relations franco-vietnamiennes auront une grande chance de progresser de manière positive après la visite officielle du secrétaire général du PCV Nguyen Phu Trong. “Je pense que la France s'intéresse vraiment au Vietnam”, a conclu le général Schaeffer. “Il appartient au Vietnam de faire les pas nécessaires pour que le partenariat stratégique se renforce encore plus”.

Dans l’entretien avec Nguyen Phu Trong, Emmanuel Macron a déclaré vouloir se rendre l’année prochaine au Vietnam. Pour l’ancien attaché militaire français, cette visite pourrait être accélérée. “En l'état actuel des choses et compte tenu de la configuration que prend l'organisation des voyages de M. Macron en Asie, la logique voudrait qu'il visite l'Australie et l'actuel président de l'ASEAN, Singapour, et qu'il profite de cette tournée pour aussi visiter le Vietnam et l'Indonésie par exemple”. -VNA/VI


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