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Le secrétaire de l’AAFV : Les relations bilatérales peuvent "monter d'un cran"

 Le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh effectue une visite officielle en France. Au seuil de cette visite, le secrétaire général de l’Association d’amitié franco – vietnamienne (AAFV) Jean-Pierre Archambault a partagé avec l’Agence vietnamienne d’information ses pensées des relations entre les deux pays.

Le Premier ministre Pham Minh Chinh va effectuer une visite officielle en France début novembre. Qu’attendez-vous de cette visite, dans le cadre du partenariat stratégique France-Vietnam ?

D'une manière générale le développement des relations entre la France et le Vietnam et le renforcement de l'amitié entre nos deux pays. On peut penser que « monter d'un cran » les relations entre les deux pays, se traduisant par une grande densité de projets, est une ambition réaliste. Le dialogue entre la France et le Vietnam s'inscrit dans le nécessaire dialogue de civilisations différentes qui se rencontrent, échangent, s'enrichissent mutuellement. Le Vietnam a beaucoup à nous apporter dans la prévention du risque de réduire l'humanité à des blocs de civilisations qui s'opposent.

Dans la réalité, ce partenariat stratégique manque d'épaisseur, de substance. Même si les coopérations entre nos deux pays se développent, au plan économique, elles ne sont pas à la hauteur de ce qu'elles pourraient et devraient être, comme le sont par exemple la Santé, les relations scientifiques et la Francophonie. Encore un enjeu de la visite officielle de Pham Minh Chinh. 

D'autres attentes... ?

Oui. Depuis plusieurs années, dans le combat qu'elle mène pour soutenir Tran To Nga dans le procès qu'elle a intenté contre les firmes chimiques, dont Monsanto, qui ont fourni l'Agent Orange-dioxine à l'armée américaine pendant la Guerre du Vietnam, l'AAFV organise notamment des conférences intitulées « De l'Agent Orange aux OGM (ou au glyphosate) : Monsanto toujours ». En effet, les enjeux écologiques de biodiversité, de préservation de la nature constituent un défi mondial et une bataille dans lesquels la France et le Vietnam doivent se retrouver.

On dit que la coopération décentralisée est l'un des modèles qui créent l'identité des relations franco-vietnamiennes, qu’en pensez-vous ?
Il y a les grandes « causes nationales », ainsi la solidarité avec les victimes de l'Agent-Orange-dioxine pour que justice leur soit enfin rendue. Les causes nationales se déclinent au plan local.

Les coopérations entre les collectivités territoriales sont importantes comme l'est par exemple l'implication des citoyens qui donne vie au jumelage de deux villes. En effet, elles sont la substance des relations entre nos deux pays, elles les font vivre « au quotidien » dans leur diversité. Le cadre local (villes et village, département, région) se prête bien à la recherche et à la mise en œuvre de projets communs. Ainsi une coopération scolaire entre deux établissements pourrait-elle s'étendre à d'autres établissements du département ; les élèves et les personnels deviennent alors potentiellement des amis du Vietnam ou, pour le moins, des personnes curieuses du pays. Français et Vietnamiens pourront ainsi être durablement liés par des relations mutuellement enrichissantes.

La pandémie de la Covid-19 n'est pas terminée. Quelles attentes ?

La communauté internationale a salué l'efficacité de la politique de prévention vietnamienne, son excellence. Mais le variant Delta bouscule la stratégie « zéro Covid » (comme il le fait aussi à Singapour ou en Australie) de par la difficulté, voire l'impossibilité à empêcher sa circulation sur le territoire.

L'heure est plus que jamais à une vaccination massive, une vaccination de tous. 600.000 vaccins ont été livrés par la France dans le cadre du Partenariat stratégique France-Vietnam. C'est peu, très peu. Et il faut obtenir la levée des brevets, les vaccins devant être considérés comme un bien public mondial. La France doit agir en ce sens. Une telle mesure, accompagnée de transferts de technologie, permettrait à un certain nombre de pays de fabriquer in situ les vaccins dont ils ont besoin et d'en faire bénéficier les autres pays. C'est le cas du Vietnam. La production mondiale s'en trouverait ainsi massivement augmentée et les prix mieux contrôlés. Une production locale est considérée comme l’une des pistes stratégiques parmi les plus adaptées pour lutter contre la pandémie. Or la revue médicale Lancet rappelle qu'il faut rendre accessibles et disponibles les vaccins pour immuniser toute la population mondiale et ainsi vaincre la pandémie (rappelons que nous vivons un état d'apartheid vaccinal : le taux de vaccination dans l'Union européenne est de 70 % et de 2 à 3 % dans les pays à bas revenus !).

Autre défi au plan mondial, le réchauffement climatique. Les deux pays pourraient-elles entamer des coopérations potentielles ?

Le Vietnam est confronté et sera confronté dans sa marche en avant à un cycle infernal pluie-tempête-ouragan, périodes de chaleur extrême, sécheresse et fortes précipitations, montée et salinisation des eaux comme dans le delta du Mékong où la culture du riz rencontre de sérieuses difficultés, inondations aggravées comme celles qui ont frappé le Centre Vietnam en 2020 :  des catastrophes « naturelles » de plus en plus violentes. Le dérèglement climatique, ses causes et ses conséquences ne concernent pas que le seul Vietnam. Il est planétaire. Et les responsabilités sont loin d'être également partagées. Qu'on en juge.

Les États-Unis d'Amérique consomment la moitié de l'énergie utilisée dans le monde. L'addiction à l'air conditionné aux États-Unis est particulièrement forte : la quantité d'électricité produite pour maintenir la fraîcheur des bâtiments est équivalente à celle consommée en Afrique, tous usages confondus. Les autres pays développés ne sont pas en reste. Les sociétés riches sont la cause principale du réchauffement climatique actuel. Et ce sont les pays pauvres et à revenus intermédiaires qui, en premier lieu, en subissent les conséquences. La contribution de chaque pays dans l'effort international de réduction des émissions de gaz à effet de serre doit se faire sous le signe de l'équité, intégrant les émissions présentes et historiques. Et la France doit y prendre sa part, toute sa part tout en respectant les engagements qu'elle a pris lors de la COP21.

En tant que secrétaire général de l’AAFV, comment voyez-vous les relations d’amitié entre les deux peuples vietnamien et français ?

Créée en 1961, l'AAFV soutiendra le peuple vietnamien dans sa lutte victorieuse, - une deuxième victoire historique -, pour la réunification et l'indépendance nationale totale contre les agresseurs américains, coupables de crimes de guerre et contre l'humanité et d'un écocide. Une lutte héroïque au prix de souffrances inouïes. L'AAFV prendra toute sa place dans le vaste rassemblement de solidarité qui se constituera en France et dans le monde au fil des années. Solidarité encore pendant l'embargo des États-Unis et des pays occidentaux qui durera jusqu'en 1994. Puis la solidarité s'exercera dans le cadre du développement enclenché par le Do Moi en 1986. Et elle s'exerce en particulier en faveur des victimes de l'Agent Orange-dioxine et des populations pauvres.

Pour l'AAFV, l'amitié avec le Vietnam c'est aussi le faire mieux connaître des Français (son histoire, sa culture, sa société, ses réalisations et ses défis) et de favoriser une nouvelle dynamique de coopération, de partenariats publics, privés et citoyens, par l'intermédiaire notamment de la coopération décentralisée.

Une amitié entre les deux peuples s'est construite au siècle dernier dans la solidarité à un peuple qui a traversé les pires épreuves et a joué un rôle essentiel, marquant l'histoire du monde de son empreinte. Solidarité et amitié entre les deux peuples, encore et toujours, de plus en plus sur un pied d'égalité, le Vietnam ayant accompli des progrès remarquables, étant devenu un pays à revenus intermédiaires. » - VNA/VI


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