Depuis 15 ans, la province de Cà Mau, située à l’extrême Sud du Vietnam, fait face à une érosion côtière dramatique. Le changement climatique, combiné à l’activité humaine, aggrave ce phénomène. Un projet ambitieux, lancé le 6 décembre par l’Agence française de développement (AFD) et le Comité populaire provincial, avec le soutien de l’Union européenne, s’apprête à changer la donne.
Située dans une région basse et entourée par la mer, la province de Cà Mau est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique et des activités humaines. L’érosion côtière et l’envasement des canaux s’intensifient. Depuis 2008, la tendance à l’accumulation des sédiments dans certaines zones s’est inversée, laissant place à l’érosion et à l’intrusion marine.
Pour Nguyên Van Son, vice-président du Comité populaire du district de Phu Tân, le défi économique et climatique est bien réel: «Le potentiel économique diversifié de la région reste sous-exploité, en grande partie à cause des risques climatiques persistants.»
Dans le district de Trân Van Thoi, où 34 kilomètres de côtes sont particulièrement exposés, Nguyên Van Khai, chef du service de l’agriculture, souligne: «Les phénomènes climatiques ont un impact énorme sur nos côtes, menaçant directement les moyens de subsistance des populations.»
Les habitants en ressentent les conséquences concrètes, comme en témoigne Nguyên Nhu Thuân, responsable de Cai Nho B, une commune du district de Phu Tân: «Les tempêtes et les marées hautes affectent gravement la vie des habitants. La déforestation, causée par l’exploitation des mangroves pour la pêche, a aggravé la situation.»
Face à cette situation, l’AFD, en partenariat avec l’Union européenne et le Comité provincial de Cà Mau, a lancé un projet ambitieux. Il vise à construire des digues le long de la côte ouest, entre Cái Đôi Vàm et Kênh Năm, ainsi qu’à mettre en place des ouvrages de protection contre l’érosion côtière dans les zones sensibles, allant de l’embouchure de la rivière Ông Đốc à celle de Bay Hap, dans les districts de Phu Tân et Trân Văn Thoi.
«L’objectif de ce projet, en construisant des brises-lames et en renforçant derrière ces brises-lames la replantation progressive de la mangrove, vise à développer une protection de long terme contre l’érosion côtière sur la côte ouest de la province de Cà Mau. Il s’agit également de préserver cette mangrove, qui est vraiment le premier rempart contre l’érosion côtière. Des activités génératrices de revenus complémentaires pour les populations riveraines seront également développées, afin de diversifier leurs ressources et de garantir une préservation durable de la côte», a expliqué Hervé Conan, directeur de l’AFD au Vietnam.
Le projet s’articule autour de trois axes principaux. Tout d’abord, il renforcera la protection côtière grâce à la construction de 11 km de brise-lames pour préserver 2.000 hectares de mangroves et 15.000 hectares de terres agricoles et résidentielles face aux vagues, aux tempêtes et à l’élévation du niveau de la mer.
Ensuite, il prévoit l’amélioration des infrastructures, notamment par la construction de 19 km de digues côtières et d’une route reliant Cái Đôi Vàm à Kênh Năm, pour stimuler le développement économique et touristique.
Enfin, il cherchera à diversifier les moyens de subsistance en soutenant les activités économiques locales et en mettant en œuvre une reforestation progressive des mangroves pour protéger les écosystèmes.
Pour l’UE, ce projet constitue un modèle pour l’ensemble du delta du Mékong. «Nous avons de grandes attentes pour ce projet, qui combine des approches structurelles et non structurelles afin de traiter efficacement le problème de l’érosion côtière dans la province de Cà Mau. Nous espérons qu’il deviendra un modèle pour le développement d’autres initiatives dans la région du delta du Mékong», a déclaré Julien Guerrier, ambassadeur de l’UE au Vietnam.
D’ici 2025, 30% des travaux devraient être achevés, selon Hervé Conan: «On peut estimer que les entreprises seront recrutées durant le deuxième trimestre 2025. Nous pensons que 30% des travaux devraient être réalisés, comprenant 11 km de brise-lames et 19 km de routes-digues.
En parallèle, l’assistance technique sera recrutée d’ici la fin du premier semestre 2025. Elle accompagnera les services provinciaux pour initier des approches pilotes d’amélioration des revenus en complément de l’aquaculture extensive, qui reste limitée. Cela permettra de favoriser le maintien des populations tout en préservant les mangroves, essentielles à la protection côtière. Toutes ces activités auront démarré avant la fin de l’année 2025.»
Le projet, prévu pour 2024-2028, représente un investissement total de 31,9 millions d’euros, financé par un prêt de 19,17 millions d’euros de l’AFD et une subvention de 3,76 millions d’euros de l’UE. Selon Lê Van Su, vice-président du Comité populaire de la province de Cà Mau, ces financements revêtent une importance capitale. «Ce financement est essentiel pour développer des solutions basées sur des études scientifiques et répondre efficacement aux réalités locales», a-t-il affirmé.
Ce projet s’inscrit dans une vision à long terme visant à renforcer durablement la résilience de la province de Cà Mau face au changement climatique, tout en stimulant son potentiel économique, agricole et touristique, dans le respect des écosystèmes et des communautés locales. – VOV/VNA/VI