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Le Vietnam à travers l’hebdomadaire illustré Indochine

C’est en pleine Seconde guerre mondiale, le 12 septembre 1940 très exactement, qu’est paru le premier numéro d’Indochine, un hebdomadaire illustré qui n’aura certes pas duré longtemps - le dernier numéro est daté de 1944 - mais qui aura suffisamment marqué les esprits pour qu’une table ronde lui ait été consacré. C’était le 21 décembre dernier, à L’Espace - Institut français de Hanoi.

La table ronde en question était animée par Vu Trong Dai, le directeur d’Omega books, et par Luu Dinh Tuân, traducteur de son état.

Indochine était en fait une publication de l’association Alexandre de Rhodes. De nombreuses figures de proue de l’École française d’Extrême-Orient y ont publié des articles. Louis Malleret, Paul Lévy, Louis Bezacier, Paul Boudet, Nguyên Van Huyên, Duong Quang Hàm, Nguyên Tiên Lang, Dang Phuc Thông, Trân Van Giap… Autant de noms qui sont familiers aux érudits. 

Mais revenons-en à la table ronde du 21 décembre. Luu Dinh Tuân avait fait une sélection d’articles couvrant divers domaines, de la politique à l’économie en passant par la littérature et l’art. Il faut savoir qu’à l’époque, les articles d’Indochine étaient très appréciés: ils offraient aux lecteurs une véritable mine de connaissance sur le Vietnam.

«Je classe les articles selon des critères géographiques qui sont ceux que nos professeurs nous enseignent à l’école. C’est-à-dire du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest... Mais je les regroupe également dans trois grands dossiers: Nord, Centre et Sud. Et dans chaque dossier, on retrouve divers domaines: la géographie, la démographie, l’économie, les spécialités, la culture et même la vie spirituelle... C’est un classement qui est censé rendre les choses plus aisées pour le lecteur», indique Luu Dinh Tuân.              

Indochine propose en fait une synthèse de plusieurs revues plus anciennes, notamment  la Revue Indochinoise illustrée, le Bulletin des amis du vieux Hué, le Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, le Bulletin de la Société des études indochinoises, Les Pages Indochinoises... Plus facile d’accès, elle aura touché de nombreuses classes de lecteurs et elle continue à le faire aujourd’hui.

«On peut facilement trouver les histoires assez étonnantes. Je pense, par exemple, à Henri Parmentier, l’archéologue indochinois, qui a écrit un article sur le Centre en 1944. Il faut savoir qu’à cette époque, les voyages se faisaient principalement sur la Route mandarine, dont le tracé était très incomplet, ce qui fait qu’il fallait parfois recourir à la traction animale… Parmentier évoque une région encore sauvage, aux paysages magnifiques… Moi même, j’ai récemment refait ce même voyage et je peux vous dire qu’il existe encore des endroits comme ceux qu’il a décrits. On a l’impression que c’était hier…», dit Luu Dinh Tuân. 

Les Français qui ont écrit pour la revue Indochine appartiennent à cette génération pour laquelle France et Vietnam ne faisait qu’un… C’était en effet l’époque de la colonisation, et nombreux sont ceux d’entre eux qui sont nés dans notre pays et qui en ont subi le charme, ce fameux «mal jaune», dont ils n’ont jamais pu se débarrasser.  Amoureux autant que spécialistes de l’Indochine, ils en abordent tous les aspects. Ils peuvent tout aussi bien disserter de la coloration des dents que de la difficulté à créer des écoles dans les régions montagneuses, ou encore de l’ancienne société d’An Nam, de la polygamie...

«Il y a sans doute une volonté sincère, de leur part, d’établir des liens entre Français et Vietnamiens», constate Vu Trong Dai.

«Mais il y a quand même beaucoup de paternalisme là-dedans... Ils sont prêts à vanter les charmes des cultures qu’ils côtoient, mais sans oublier d’y aller de leur petit couplet sur la mission civilisatrice de la France qui et que… Ils essaient de se réapproprier notre histoire et notre culture… C’est du reste en ça que tous ces articles sont intéressants: parce qu’ils nous renseignent sur un certain état esprit, qui était en vogue à une certaine époque, et qui a tout de même façonné les rapports entre les deux peuples…»      

Une certaine époque, certes… Une époque révolue, mais qui peut désormais être abordée sereinement, sans amertume, avec un réel désir de connaître, et donc de comprendre… – VOV/VNA/VI


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