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Sur les traces d'une «Route de la céramique» à Hôi An

Une «Route de la céramique» au large des côtes du Vietnam? C'est l'hypothèse de nombreux historiens et archéologues après les découvertes ces dernières années d'épaves renfermant dans leurs soutes éventrées des milliers de céramiques chinoises.

Musée de la civilisation Sa Huynh, ville de Hôi An, province de Quang Nam (Centre). Là sont exposés derrière des vitrines des centaines d'objets en céramique de différentes époques. Repêchés des navires naufragés le long des côtes de Quang Nam à Binh Thuân, ces antiquités sont censés de prouver l'existence d'une «Route de la céramique» en Mer Orientale. Une hypothèse défendue par nombre d'historiens et d'archéologues.

Aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Hôi An était une ville portuaire prospère où jonques chinoises et japonaises, caravelles de la Marine portugaise ou espagnole venaient mouiller, le temps de décharger ou de recharger les soutes. À quelques kilomètres de là, se trouve l'estuaire de Cua Dai du fleuve Thu Bôn.

Le matin, la brume aidant, le paysage ressemble à un lavis chinois : quelques jonques glissant paresseusement vers la large, contournant les îlots boisés de l’îlot Chàm. Selon certains chercheurs, cette «Route de la céramique» partirait du Japon ou de Chine, longerait les côtes chinoises puis vietnamiennes avec une halte à Hôi An, avant de filer vers d'autres pays d'Asie du Sud-Est, voire même vers le lointain sous-continent indien.

Les traces de cette route maritime sont à rechercher sous l'océan. Rien qu'au large de la province de Binh Thuân, 5 épaves gisant à 40-60 m de profondeur ont été repérées. Huynh Công Duy, capitaine d'un bateau de pêche, a trouvé l'une d'elles au large de l'île de Phu Quy et récupéré une centaine de céramiques. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre et d'autres pêcheurs sont venus chercher leur part du trésor. Jusqu'à ce que les services compétents, informés, viennent mettre le holà. Des mesures de protection de l'épave ont été prises avant qu'une fouille permette de remonter à la surface plus de 800 objets. Reposant depuis des siècles au fond de l'océan, ces navires renferment beaucoup de secrets que les scientifiques cherchent à percer.

Selon le Docteur Nguyên Dinh Chiên, expert en céramique, membre du Conseil d'expertise des antiquités du Vietnam, «les céramiques ramenés du navire retrouvé près de l'île de Phu Quy venaient de Chine, exactement de Zhangzhou (province de Fujian) et de Shandou (province de Guangdong), 2 localités réputées pour leurs céramiques. Elles datent du début du XVIIe siècle, c'est-à-dire de la dynastie des Ming (1573-1620). C'est la 4e découverte du genre dans le monde. Dans d'autres océans en effet, on a aussi trouvé 3 autres bateaux transportant des céramiques Zhangzhou-Shandou».

Une route maritime entourée de mystères
Reste une énigme : pourquoi une telle concentration de navires naufragés dans ce coin de la Mer Orientale, plus exactement aux alentours des îles de Cù Lao Chàm ou au large de la province de Binh Thuân ? Dans les 5 épaves trouvées au large de Binh Thuân, outre certains objets en bronze telles que boussoles, compas et effets personnels de matelots, on a récupéré de nombreux objets en céramique paraissant très proches esthétiquement de ceux fabriqués autrefois dans le Centre du Vietnam. Cela signifierait-il que le Vietnam exportait à cette époque-là ses produits, par l'intermédiaire de commerçants étrangers?

Selon des chercheurs, les bateaux échoués aux XVe et XVIe siècles au large des côtes philippines, indonésiennes, thaïlandaises, chinoises ou vietnamiennes laissent voir l'existence d'un commerce florissant, notamment de céramiques, où Hôi An jouait un rôle important.

Inspiration débordante
«Les céramiques vietnamiennes trouvées dans les épaves sont caractérisées par des dessins décoratifs représentant divers aspects de la vie», selon le Docteur Nguyên Dinh Chiên. Des scènes de vie comme une jeune fille ramant, un soldat à dos de cheval, une femme en tunique traditionnelle assise devant un brûle-parfum, un prêtre barbu brandissant une épée, une aigrette capturant une crevette, un mariage sur un bateau, 2 amoureux à bord d'une barque, une fée sur un pétale de lotus... Mais aussi des scènes plus sensuelles comme une jeune fille se baignant nue à côté d'une jarre, un couple faisant l'amour...

Selon des chercheurs, dans l'ensemble, ces dessins n'ont pas une grande valeur esthétique, ni de connotation religieuse particulière. Ce sont, paraît-il, des créations d'inspiration. Parmi les céramiques vietnamiennes retrouvées dans les épaves, la plus belle est sans conteste un grand pot à fleurs, de couleur bleu, décoré de canards, d'aigrettes... Des scènes paisibles qui font penser à des estampes populaires.

Les opérations de recherche se poursuivent. De nouvelles trouvailles permettront d'en savoir plus long sur cette éventuelle «Route de la céramique» et sur les liens qu'elle entretiendrait avec certaines localités littorales du Vietnam, Hôi An notamment. -CVN/VNA/VI


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