Le mystérieux sanctuaire de My Son, perle de la culture cham
Au cœur de la région montagneuse de Duy Xuyên, dans la province de Quang Nam, au centre du Vietnam, se trouve un complexe architectural ancien, unique et mystérieux, comparable à d'autres temples célèbres d'Asie du Sud-Est tels qu'Angkor Vat (Cambodge), Borobudur (Indonésie), Pagan (Myanmar), Wat Phou (Laos) et Prasat Hin Phimai (Thaïlande). Classé au patrimoine mondial, le sanctuaire de My Son est le plus vaste ensemble architectural cham ancien du Vietnam, et un haut lieu de culture et de spiritualité.
Situé dans la commune de Duy Phu, district de Duy Xuyên, à environ 70 km au sud-ouest de Da Nang et à 50 km de la vieille ville de Hoi An, My Son est niché dans une vallée d’environ 2 km de diamètre. Il s’agit d’un ensemble de temples cham en ruines, dont les premières constructions remontent au IVe siècle. Au fil des siècles, de nombreuses tours, grandes et petites, ont été érigées, formant un complexe emblématique de l’ancien royaume du Champa.
Ce lieu était autrefois un centre spirituel majeur, ainsi qu’un site de sépulture pour les rois et moines. Le roi Bhadravarman Ier (règne : 381-413) y fit construire un temple dédié à Shiva. Le complexe, datant du IVe au XIIIe siècle, est principalement bâti en briques cuites, avec des piliers en pierre, et reflète une forte influence de l’architecture indienne. Il est considéré comme l’un des plus importants centres de temples hindous de l’Asie du Sud-Est antique.
Ce n’est qu’en 1889 que l’archéologue et fonctionnaire français Camille Paris, animé par sa passion pour les civilisations anciennes, redécouvrit les majestueuses ruines de My Son lors d’une expédition en territoire cham. Il fut ainsi le premier Français à étudier de près ce lieu sacré. Ses notes ont ouvert la voie à une exploration approfondie de ce site, révélant peu à peu ses secrets enfouis.
En 1899, Louis Finot (1864-1935) et Étienne Lunet de Lajonquière (1861-1933) mirent au jour la plus ancienne stèle de My Son, érigée par le roi Bhadravarman à la fin du IVe siècle. En 1900, Finot publia Inventaire sommaire des monuments chams de l’Annam, tandis que Lajonquière dessina une carte du sanctuaire pour le projet Atlas archéologique de l’Indochine : monuments du Champa et du Cambodge.
En 1902, l’archéologue Henri Parmentier (1871-1949) reçut l’autorisation du gouverneur général de l’Indochine pour mener les premières fouilles complètes du site, qui s'étalèrent de 1903 à 1904. À cette époque, le sanctuaire comprenait 72 monuments répartis en 13 groupes. Les descriptions détaillées de Parmentier, accompagnées de photographies panoramiques réalisées par Charles Carpeaux (1870-1904), constituent encore aujourd’hui des documents fondamentaux pour la recherche et la conservation du site.
Comme les autres temples chams, ceux de My Son sont organisés en groupes, avec au centre un sanctuaire principal, le Kalan, dédié à Shiva. Ce temple, dont l’entrée est généralement orientée à l’est, symbolise le mont Meru, centre de l’univers et lieu de résidence des dieux. Il est construit en forme de tour à trois niveaux : le soubassement, le corps et le sommet, représentant respectivement les trois dieux Brahma, Vishnu et Shiva, ainsi que les trois mondes : terrestre, spirituel et divin.
En face du sanctuaire principal se trouve la tour-porte (Gopura), orientée est-ouest. Juste derrière, la maison allongée (Mandapa) servait à accueillir les pèlerins et à recevoir les offrandes. À proximité se trouve également le stupa Kosagraha, à une ou deux salles, orienté vers le nord, où étaient conservés les objets rituels. Des stupas secondaires, dédiés aux divinités des directions (Dikpalaka), aux astres (Grahas) ou à d’autres divinités mineures comme Skanda et Ganesha, entourent le sanctuaire principal.
L’art décoratif de My Son se distingue par sa sophistication et son originalité : sculptures et bas-reliefs en brique et en pierre représentant des motifs floraux, des scènes de danse, de musique, de vie quotidienne brahmanique, de fabrication de remèdes, ainsi que des statues d’éléphants, de divinités et de danseurs. Certaines stèles et piliers portent des inscriptions en ancien sanskrit, qui permettent de retracer l’histoire et les étapes de construction du sanctuaire.
En reconnaissance de sa valeur culturelle, historique et architecturale exceptionnelle, le sanctuaire de My Son a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1999. Depuis, My Son s’est imposé comme une destination touristique majeure sur la Route du patrimoine du Centre du Vietnam. Selon le Conseil de gestion du patrimoine culturel de My Son, la préservation du site constitue un succès notable.
Ces dernières années, grâce à des financements publics et à l’aide internationale, plusieurs projets de conservation ont été menés pour protéger les temples contre l’effondrement. Parmi eux : la restauration du groupe de tours G, en coopération tripartite entre l’UNESCO, le Vietnam et l’Italie,les fouilles archéologiques du ruisseau Khe The, la restauration de la tour E7, et le projet indien (2016-2021) pour la préservation des tours K, H et A.
Ces efforts ont largement contribué à la renaissance du site, longtemps tombé dans l’oubli. De nombreuses organisations nationales et internationales ont collaboré à la préservation de My Son : Lerici, MAG, JICA, l’Université de Milan, l’Institut ASI (Inde), American Express, le bureau de l’UNESCO à Hanoï, les gouvernements italien et indien, l’Institut pour la conservation des monuments, l’Institut d’archéologie du Vietnam, et le Département du patrimoine.
En parallèle, le Conseil de gestion du site a lancé plusieurs programmes artistiques pour valoriser le patrimoine : La nuit légendaire de My Son, L’écho de My Son, Le retour du printemps aux tours antiques, organisés à l’occasion des fêtes et du Tết. Ces initiatives visent à attirer les visiteurs, à promouvoir le sanctuaire et à faire de My Son une étape incontournable de la Route du patrimoine du Centre./.