Portrait

Le sourire de l’époque

Il y a onze ans, Mme Vo Thi Thang est apparue en toute beauté sur la revue Bao Anh Vietnam (Revue Vietnam Illustrée) de mars 2003. Elle est décédé le 22 août, à l’âge de 69 ans. A sa mémoire, la revue publie un article intitulé « Le sourire de l’époque » qui relate toute la vie de cette femme révolutionnaire indomptable, réputée pour son « sourire triomphant ».
 

Vo Thi Thang, Le « sourire triomphant » (en 2003). Photo: archives de la Revue Vietnam Illustré.

Ceux qui ont rencontré Vo Thi Thang ont été conquis par sa douceur, sa modestie et son élégance. Son sourire est devenu le symbole de la victoire du peuple vietnamien contre l’armée américaine.
 
- En voyant votre sourire, il me semble que vous n’avez aucune tristesse ?
-Chaque être humain a ses joies ou ses peines.
- Qu’elles sont vos peines ?
- C’est quand on n’est pas satisfait de soi-même, ou de ses succès, quand on est mal compris ou déçu par quelqu’un.
- Qu’est ce que vous faites dans ces moments – là ?
- Je lis, je travaille nuit et jour, je joue avec mon enfant ou dort et puis je me sens tranquille après…
- Une photo de vous prise par un correspondant japonais a été nommé « Sourire triomphant », qu’est-ce que vous en pensez ?
- Mon sourire aurait été signifiant si je n’avais pas été soutenue par un peuple courageux et indomptable.


Aux mains de l’ennemi
Dans les journées du soulèvement Mau Than de 1968, tout le Sud, les grandes villes et la ville de Sai Gon étaient ébranlés par les coups de feu des troupes de libération, des travailleurs, des élèves et étudiants qui se soulevaient contre l’ennemi. Et fin juillet-début août 1968, Sai Gon était secoué encore une fois par les coups de feu. Vo Thi Thang était arrêté après avoir tenté d’assassiner un agent secret pour éviter qu’elle ne tue des innocents.

  Le « sourire triomphant »
« Le sourire confiant d’une jeune fille d’une vingtaine d’années condamnée à 20 ans de prison.»

-Vous a été arrêtée. Est-ce que vous avez regretté votre geste ?
-Je n’ai aucun regret. Comme je devais accomplir une tâche confiée par la Patrie, je ne devais pas tuer un innocent, c’est la nature de la révolution. Nous menions une révolution pour regagner l’indépendance, pour le peuple. Nous n’éliminions que ceux qui venaient envahir notre pays et ceux qui trahissaient le peuple.

Vingt années de prison
Le procès de cette belle femme Viêt Công a surpris la presse saïgonnaise. Le matin avant d’aller à la cour, elle enfile un chemisier noir, sa couleur préférée.
La voiture s’est arrêtée et elle est entrée dans le tribunal, entre deux rangs de policiers armés jusqu’aux dents. L’interrogatoire a commencé :

-C’est vous qui avez tiré sur M . Tran Van Do
-Oui
-Pourquoi? Vous aviez de la haine contre lui ?
-Non, Je n’avais aucune haine mais je voulais le tuer car il est l’ennemi du peuple.
-Vous avez bien réfléchi à votre réponse ?
- Oui, et c’est ce que je pensais avant de suivre les forces révolutionnaires.


La cour a condamné Vo Thi Thang à 20 années de prison. Non surprise par cette décision, Vo Thi Thang a demandé au jury, avec un sourire : « Est-ce que votre régime existera encore dans 20 ans ? »

Six ans après, Vo Thi Thang a été remise en liberté aux termes des accords de Paris. Six ans en prison ont appris à Vo Thi Thang l’énergie, le courage et les qualités qu'exigent la révolution. 
 

Vo Thi Thang sur la couverture de la revue Vietnam Illustré de mars 2003. Photo: archives de la Revue Vietnam Illustré
 



La Revue Vietnam Illustré présente dans son numéro de mars 2003 la vie de Vo Thi Thang.
Photo : Archives de la Revue Vietnam Illustré

Famille
Vo Thi Thang est née en 1945 dans la commune de Tan Buu, district Trung Huyen (actuel district Ben Luc) province de Long An, cadette d’une famille patriotique dont les parents étaient tous révolutionnaires. Leurs enfants ont adhéré très tôt aux thèses révolutionnaires.
Sa mère lui a dit lors d’une visite en prison : « Ce sont les aliments que le village te donne, quand tu es en vie, c’est le village qui te nourrit . Et si tu meurt, c’est le village qui célébrera ta mort, c’est pour cela que tu ne dois pas saluer le drapeau de l’ennemi, cela déshonorerait la famille ».

Elle se souvenait encore des années noires où la loi 10/59 de l’administration de Ngô Dinh Diêm était appliquée, avec des guillotines partout. Cependant, cela n’a découragé Vo Thi Thang et sa famille qui ont nourri en secret les cadres révolutionnaires, envoyé leurs messages, abrité dans le jardin des casemates souterraines. C’est Vo Thi Thi qui a demandé à son père de participer aux activités révolutionnaires. Son père lui a dit : « il faut se joindre à la révolution de tout son cœur, et une fois que tu es arrêtée par l’ennemi, il faut le faire souffrir ».

Dans sa vie révolutionnaire, Vo Thi Thang a honoré ses promesses envers son père et le souhait de sa mère, et étant fidèle jusqu’à la dernière minute de sa vie à la révolution. Elle a consacré toute sa belle jeunesse à l’indépendance de la patrie. Son nom a franchi les frontières du Vietnam et est connu dans nombre de pays de par le monde. Des écoles cubaines portent même le nom de Vo Thi Thang.

J’ai rencontré Tran Quoc Thuan, le mari de Vo Thi Thang, à la fin de l’année Nham Ngo (Cheval) à Ho Chi Minh –Ville. Ils étaient toujours l’un à côté de l’autre dans la lutte pour l’indépendance, et se sont mariés un an après la libération du Sud, le 18 juillet 1976. Après, Vo Thi Thang a commencé à faire des études universitaires, tout en travaillant. Elle a été diplômée d’histoire, de droit et puis de l’Institut national de politique Ho Chi Minh. Elle et son mari partageaient les travaux ménagers et leur amour n’a cessé de grandir au fil des années.

- Est-ce difficile d’être le mari d’une femme célèbre ?
- Ma femme était responsable d’un département général et à ce poste, elle a dû maîtriser ses joies, ses tristesses et autres mécontentements. Ce trop-plein de sentiments, elle le soulageait à mes côtés !
- Vous êtes vice-président du bureau de l’Assemblée nationale, et votre femme est directrice générale de l’Administration générale du tourisme. Vous travaillez tous à Hanoi tandis que vos enfants vivent à Ho Chi Minh-Ville. Cela ne vous inquiète pas ?
-Je dis toujours à mes enfants qu’un jour ils devront voler de leurs propres ailes. Heureusement, ils suivent mes conseils.
-Vous ferez encore de nouvelles études (à Vo Thi Thang) ?
-Mme Thang (sourit) : Je ferai des études d’économie de marché, j’apprendrai à faire la cuisine pour préparer de bons repas à mon mari et à mes enfants. Ce seront mes remerciements pour tout ce que mon mari a fait pour moi.


De nombreux postes à responsabilité
Après la libération du Sud, Vo Thi Thang a participé à l’Union de la jeunesse communiste Ho Chi Minh et a assumé la vice-présidence de l’Union des femmes du Vietnam, l’occasion pour elle d’œuvrer pour le progrès de la femme. Etant membre du Comité central du Parti communiste du Vietnam, députée de l’Assemblée nationale vietnamienne et à la tête du secteur touristique, Vo Thi Thang était consciente des riches ressources touristiques de sa Patrie comme des effets positifs du tourisme sur le développement socioéconomique. Elle était déterminée à faire de « l’industrie sans fumée » une branche économique de pointe. Son rêve est devenu réalité, le Vietnam est devenu une destination attrayante.

Vo Thi Thang avait beaucoup de choses à faire. Elle partait ouvrir un nouveau circuit ou examiner un nouveau site, discuter avec des experts en infrastructures, ou rencontrer les autorités locales ou des électeurs, des mères héroïnes... Elle avait toujours le sourire aux lèvres, heureuse d’avoir consacré toute sa vie au bonheur et à la liberté de son peuple./.
 

Mme Vo Thi Thang est née le 10 janvier 1945 dans la commune Tan Buu, district de Ben Luc, province de Long An. Elle a été membre du Comité central du Parti communiste du Vietnam (9e et 10e mandats), députée de l’AN (9e , 10e et 11e législatures), chef de l’Administration générale du Tourisme, présidente de l’association d’amitié Vietnam –Cuba, vice-présidente de l’Union des femmes du Vietnam.

- Elle avait reçu l’Ordre de l’Indépendance de 2e classe, l’Ordre du travail de 1ère classe, l’Ordre de la Résistance anti-américaine de 1ère classe, les Ordres de l’amitié de Cuba, Ana Betancour et Oriente de Cuba ainsi que l’Insigne des 40 ans de Parti.

- Vo Thi Thang est décédée à 8h 15’ le 22 août 2014 à Ho Chi Minh-Ville, à l’âge de 69 ans
 
Texte: Nguyên Thanh, Diêu Vân – Photos: Vinh Quang – Ha Lan et archives

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